mardi 26 juin 2007

" Ces wagons à bétail, témoins de la première étape de déshumanisation, furent un premier choc pour moi. "

La première prise avec la réalité du camp fut la vue de la rampe d’accès et des wagons qui y étaient restés.


Ensuite, j’ai été consterné par la proximité de la ville et de Birkenau qui m’a paru presque obscène, du moins malsaine.

Birkenau se trouvant dans une plaine venteuse, nous avons pu ressentir le froid qu’ont pu endurer les déportés, mais à une autre échelle. En janvier, normalement, il neige.

Lors de la visite du camp de Birkenau, j’ai été frappé par la ressemblance de ce lieu avec une usine en plein air : il y a une rampe d’accès pour le « déchargement » des déportés et leur tri par des médecins, comme des vaches à l’abattoir ; il y a les kilomètres de barrières de barbelés et de béton ; les entrepôts (baraques et latrines) posés comme des dominos, alignés ; il y a les tonnes d’objets, de cheveux, de lunettes, de chaussures… Et puis il y a l’organisation générale du camp qui est impressionnante autant que sa surface.

Les latrines, comme les châlits, témoignent de la déshumanisation par la perte totale d’intimité.

Quand nous sommes arrivés devant les fours crématoires détruits, et d’ailleurs tout au long de la journée, je n’ai cessé d’avoir peur de la perte des traces, des preuves qui sont inéluctables aujourd’hui. Je n’ai cessé de penser aux personnes qui, malgré les preuves existantes, remettent en cause la réalité de la Shoah. Ces gens-là représentent un réel danger pour l’humanité en devenir, l’oubli d’une telle chose, son déni, ou sa minimalisation, pourraient sérieusement remettre en cause notre futur, c’est la porte ouverte à toutes les formes de racisme, d’antisémitisme, d’extrémisme, de thèses dangereuses, eugénistes et conservatrices.

Un problème s’est posé pour moi, tout au long de cette visite : je ne réussissais et je ne réussis toujours pas à m’imaginer le degré d’horreur qui y régna, ce que représentent 6 millions de morts. Car qu’est-ce que 6 millions de morts, assassinés, quand on ne sait pas ce qu’est un mort ? Comment mesurer cette horreur quand on ne l’a pas vécu ? Il est très difficile de se l’imaginer, cela demande un travail personnel important, une réflexion, l’approche de la vie de victimes, l’ancrage de leur vie dans la réalité pour pouvoir comprendre et croire ce qu’ils ont vécu. Mais nous pouvons nous rapprocher de cette réalité, sinon nous en approcher.

Il m’était très difficile de mettre un visage au bout des cheveux décolorés, en dessous des lunettes, un corps à chaque prothèse, un pied dans chaque chaussure, une famille à chaque casserole, une main au bout de chaque brosse …

Ce fut pour moi très dur, et ça le reste aujourd’hui, de comprendre ce qu’il s’est passé, bien que j’en ressente l’infinie gravité.

T.T

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